frater.jpg (7109 octets)            Association  Fraternité  Saigon  -  Cholon  (Bác Aí)

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SI TU VAS AU VIÊT NAM, N’OUBLIE PAS DE M’EMMENER LÀ-BAS…

LE SUD

Voilà bien trois ans que je ne suis pas revenu aux sources et, en quelque sorte, comme le dit un de mes proches, le « virus du pays »  s’est réveillé et m’a repris. Mais pour cette fois, j’emmène dix copains et copines dans la valise avec la promesse de leur faire découvrir le ViêtNam. La gageure est aussi de le faire aimer…

Fin juillet, nous voilà tous les douze à Tân Son Nhât. Il y a Danielle, Dom, Doris, Jocelyne, les deux Michelle, Nathalie et les autres, les yeux écarquillés et pleins d’espoir : l’aventure commence. Et assez bien d’ailleurs, car la température est beaucoup plus supportable que d’habitude, hormis cette moiteur qui nous colle à la peau. Mais la surprise est agréable : nous arrivons à endosser les 30 degrés et l’humidité ambiante sans difficulté. Comme les chambres à l’hôtel ne sont pas prêtes (il est 8 heures), un tour de Saigon s’impose. Notre minibus plonge dans la foule des Honda qui ondulent au milieu des klaxons. Ah, cette sacrée civilisation du bruit ! J’avais oublié qu’ici la devise est « Je klaxonne, donc je suis ». 

Saigon n’a pas trop changé. Il y a bien quelques voitures en plus mais notre chauffeur se fraye un chemin tout tranquillement au milieu de la cohue tandis que mes copains effrayés poussent des oh là là ! frénétiques. Les rues sont propres et les trottoirs plus dégagés que naguère. Le niveau de vie semble plus élevé et les magasins regorgent de marchandises. On remarque la création de nouveaux grands centres commerciaux climatisés où les « touristes » que nous sommes, trouvent refuge lorsque la chaleur se fait trop insistante. Saigon, c’est sympa, mais cela reste une grande ville et le ViêtNam authentique ne commence qu’avec la campagne et ses rizières aux nuances de verts dégradés selon l’avance du repiquage des plants de riz.

Aussi, après quelques visites dont les pagodes de Giác Lâm et Vinh Nghiêm, le temple de Tiên Hâu (à Cholon), le Palais de la Réunification et le lycée Lê Qui Dôn (ex. Jean-Jacques Rousseau) toujours aussi beau avec son jardin d’entrée et ses tamariniers centenaires dans la cour de récré qui ont vu tant de générations de Vietnamiens francophones et Marguerite Duras, nous quittons la sarabande des Hondas qui tournent sans relâche dans le centre ville à la recherche du temps perdu ou pour passer le temps jusqu’à très tard dans la nuit chaude. Heureusement qu’elles ne font pas autant de bruit que les motos d’Europe ! Nous quittons la mégapole en direction du sud pour notre rendez-vous avec le Mékong qui nous tend ses neuf bras. La ville s’est agrandie par une banlieue hérissée de barres d’immeubles qui ont gagné sur les rizières et je me demande si on n’est pas en train de commettre les mêmes erreurs qu’en Occident… 

À My Tho, un bateau et une guide locale nous accompagnent sur les îles. Je vous recommande l’île de la Licorne par les arroyos en petite barque à travers les palmiers d’eau et l’excellent restaurant sous la rotonde face au Grand Fleuve, qui sert une nourriture appétissante. Ah, ces belles serveuses en aó dài blanc, le rêve éveillé au milieu d’un jardin de fleurs ! N’est-ce pas là le pays de la dernière impératrice, la belle Nam Phuong ?

Nous nous réveillons dans le minibus qui nous conduit à Cân Tho. La traversée des petits villages rappelle la pauvreté des campagnes mais partout de grands sourires pour accueillir cette troupe de Tây (traduisez : « Occidentaux ») en vadrouille sans oublier les paraboles et les antennes télé sur le toit des paillotes : l’espoir fait vivre. Une mauvaise nouvelle : le bac pour accéder à Cân Tho bloque et il faudra deux heures d’attente et arriver dans la nuit. La troupe a faim et il faut vite trouver à manger car les restaurants ferment tôt. Par bonheur, le Thai Binh Duong est encore ouvert et nous nous précipitons dans cette immense salle qui ouvre sur le Mékong avec un grand bateau amarré juste devant. C’est sur le grand pont du bateau qu’une table est dressée pour nous et rien que pour nous. Le dîner nous ravit et même le ciel pour nous accueillir s’est fendu d’une bonne averse pour rafraîchir la nuit.

Le lendemain, visite en bateau des marchés flottants de Hâu Giang et les caméras et autres appareils numériques sont de sortie mais… il pleut fort sur le Mékong. Ici, la pluie n’arrête pas le pèlerin – oh pardon, le Vietnamien – et l’éclaircie est vite là pour nous permettre d’admirer ces aó bà ba multicolores qui se déplacent avec dextérité sur leurs fragiles barques remplies à ras bord de fruits et légumes, richesse et fierté de cette région. Cân Tho, ville élégante, est aussi une bonne université. Vous ferez bien de pousser un peu plus vers le sud pour voir le temple khmer de Sóc Trang à l’architecture originale où la communauté cambodgienne du ViêtNam trouve son bonheur spirituel au milieu d’un bosquet d’arbres de « pommes de lait » qui portent de lourdes grappes de chauves-souris énormes. Ces roussettes ne mangent pas les fruits du temple mais s’envolent, le soir venu, trouver leur nourriture ailleurs.

En remontant vers Hô Chi Minh-Ville (nom actuel de Saigon), la campagne déroule devant nos yeux quelque peu fatigués par cette semaine au rythme assez soutenu, le spectacle riche en couleurs du travail des rizières, de filets de pêche et souvent d’une jeune fille belle et fière, sortie de nulle part, marchant le long de la route, image de douceur de ce Sud lyrique plein de charme et de chaleur humaine.  

VERS LE CENTRE 

Après un petit détour par Tây Ninh pour donner un coup « d’œil » au temple cao dài rose bonbon très kitsch (où il faut arriver vers midi si on veut assister à la grande séance de prière), nous quittons le Sud avec déjà des regrets. Mon groupe a beaucoup aimé le delta du Mékong et la gentillesse de ses habitants. Goodbye Saigon et en route donc vers le Centre, mais par des chemins détournés. En effet, nous n’avons pas eu de plage jusqu’à présent et un petit bain à Vung Tàu n’est pas de refus, surtout qu’on va se régaler avec poissons et crustacés au bord de la Mer de Chine.

Je n’ai pas eu l’occasion de vous présenter mes amis. Ce sont des collègues du Lycée J. de Flesselles (Lyon 1er), sympas, enthousiastes et curieux de tout. Ils cherchent toujours à positiver même lorsqu’on « vietnamise » un max. C’est un grand plaisir de jouer au grand timonier avec eux parce qu’ils vous donnent le sentiment d’être utile et j’ai toujours pensé que « donner provoque autant de joie que recevoir ». J’en ferai ma devise pour ce périple.

Avant de monter à Dalat prendre un peu de frais, nous faisons un crochet par Phan Thiêt, célèbre pour son nuóc mám qui concurrence celui de l’île de Phú Quôc. En chemin, je commence à décoder les gestes étranges que s’envoient les chauffeurs de car qui se renseignent sur les contrôles de police assez fréquents sur les nationales. Malgré un meilleur état des routes, on ne peut pas conduire très vite. Tant pis, cela nous permet d’apercevoir et de photographier les jolies barques de pêche bleu azur aux yeux rouges qui conjurent le mauvais sort et rassurent les pêcheurs.

Nous voilà à Mui Né. Et son village touristique planté au milieu des cocotiers jure avec la pauvreté des villages avoisinants : le ViêtNam, c’est aussi la confrontation des riches et des pauvres et sur cette côte fleurie, c’est encore plus criant qu’ailleurs… Heureusement que les dunes de sable presque rouge sont là pour nous réconcilier avec la bande de petits gosses en haillons qui nous aident à progresser jusqu’au sommet d’où nous admirons la mer. Et pour deux sous, nous pouvons leur louer un tapis en plastique pour redescendre tout schuss. Nous préférons quitter ce complexe de richards pour trouver au Dôi Duong Hôtel à Phan Thiêt un havre de paix avec piscine et tennis (quand même !).

Sur ce chemin le long de la côte se trouve un petit temple auquel on accède par un grand escalier baigné de soleil. Laissez-moi vous conter la légende de cette mère venue du nord en autocar pour réaliser des affaires à Saigon. Elle voyageait avec son fils malade qui décéda pendant le trajet. Ne voulant pas l’abandonner, elle cacha son pauvre enfant sous une couverture mais les autres passagers découvrirent la supercherie et, de peur du mauvais sort, obligèrent la mère à laisser son enfant sur le bord de la route. Après avoir conclu ses affaires dans le Sud, celle-ci revint sur les lieux mais le corps de l’enfant s’était transformé en rocher et son âme errante provoqua sur cette portion de route des accidents mortels en cascade jusqu’au jour où l’on décida de lui vouer ce temple pour libérer son âme. Depuis ce temps, plus d’accident et les chauffeurs passent devant en donnant un coup de klaxon pour saluer la mémoire du petit disparu. Pour moi, c’est bien l’une des rares fois que j’apprécie cette manifestation sonore.

Voilà Dalat et son marché multicolore. Le climat ressemble à celui de la Savoie et de grands pins dominent les villas de type colonial et les jardins de légumes joliment organisés. Autour de la ville, s’étagent des plantations de thé vert sur fond de terre rouge, c’est beau ! N’oubliez pas de venir les soirs de week-end vous promener dans le centre ville exceptionnellement réservé aux piétons. Vous y trouverez un marché nocturne plein de couleurs et d’odeurs s’étalant sur toute la largeur des rues. Au matin, allez-vous ressourcer à la pagode zen de Trúc Lâm. C’est un pèlerinage reposant au milieu des jardins fleuris et un plan d’eau construit en forme de main. Avant de quitter le calme et la fraîcheur, nous nous attardons quelques instants pour visiter la vieille gare puis les chutes de Prenn rougies par de grosses pluies.

Ah, revoici la chaleur. Surtout sur le site des temples chams de Poklong Garai entourés de flamboyants ployant sous le poids des fleurs. Sur la route de Nha Trang, belle et baignée de lumière, nous nous arrêtons au col Ngoan Muc pour goûter aux ananas, spécialité du coin. C’est excellent, ce sont les meilleurs que nous ayons mangés de tout le voyage.

Voilà Nha Trang, la station aux plages de sable blanc. Tout est aéré et propre. Les plages sont bien aménagées avec transats et parasols en feuilles de cocotier séchées et l’eau est chaude, voire trop ! Le groupe est content de retrouver la mer et les baignades. Un bateau nous emmène vers les îles, tour agréable qui se termine au restaurant sur une île accessible en bateaux-paniers, qui nous fait cuire les poissons achetés frais au village des pêcheurs.

C’est là que nous disons au revoir à Chiêu, notre chauffeur des treize premiers jours au Viêt Nam. L’occasion m’est donnée de vous le présenter. C’est un homme charmant, serviable et discret qui m’a donné un grand coup de main lorsqu’il s’agissait d’éclairer le groupe sur les dernières nouvelles du pays. Chiêu est cultivé et très soigné sur lui-même : chemise et cravate en toutes circonstances, la classe ! J’ai appris à le connaître et à l’apprécier. Au revoir anh Chiêu et merci pour tout ce que tu nous as donné. Nous n’oublierons pas ton sourire gêné tous les matins lors du rituel « Chào anh Chiêu ! » repris en chœur sous les applaudissements. Au fait, il travaille à la compagnie Hoà Binh à HCM-Ville…

L’avion, un bimoteur, nous emporte vers Ðànang en un peu plus d’une heure. Après l’Airbus 320, l’atterrissage nous secoue un peu, n’est-ce pas Jocelyne ? Notre aimable guide Minh, un professeur de français à la retraite, nous accueille avec un nouveau minibus pour nous faire découvrir d’autres horizons. Il fait très beau et chaud, bien sûr ! Ça va être dur. Ðànang a subi un sérieux lifting et le bord de mer est joli, mais nous ne nous attardons pas. Un bref passage au Musée cham nous confirme les monuments rencontrés en chemin et nous attaquons les Montagnes de Marbre. Quelques signes d’essoufflement rythment notre montée, mais c’est uniquement à cause de la chaleur. Pas vrai ?

Notre nuit se passera à Hôi An, magnifique ville chinoise qui a vu toutes les invasions : les Chinois, les Japonais, les Français et Alexandre de Rhodes, un jésuite d’Avignon, brillant  polyglotte qui a jeté les bases du Quôc Ngu, la langue nationale vietnamienne. Un hôtel tout neuf, L’Indochine Hôi An, pour nous seuls, quel luxe ! Et il est beau cet imposant palace qui domine la rivière. Tout son personnel se met à notre service et pour une nuit, on se serait pris pour des vedettes de cinéma…

La visite de Hôi An est riche. Le marché est coloré et assez propre. Mes copains s’équipent en casquettes, bermudas et chemises et le « guide d’occasion » que je suis, reçoit ses premiers cadeaux. C’est surprenant de se voir offrir cadeaux et ristournes en nature ou numéraire et j’en suis fort gêné. Alors je décide de reverser le tout dans la caisse commune que Guy gère avec une facilité déconcertante, brassant des dizaines de millions de… dôngs. Les copines ont fait un ravage au 41 rue Lê Loi sur les soieries de qualité : la fièvre acheteuse vient de monter d’un cran. Reconnaissons que c’est une belle boutique, si bien servie par de ravissantes vendeuses en aó dai.  Vous comprendrez notre difficulté à nous arracher de cette ville.

Le Col des Nuages est trop ensoleillé, aucun cumulus au sommet et la plage de Lang Cô s’étend paresseusement en dessous avec ses barques de pêche sur fond de sable blond. Nous arrivons à Huê, capitale des Empereurs. La fièvre reprend pour les bijoux, heureusement entrecoupée de visites très riches. La vie des rois nous est contée en détail par notre éminent guide qui nous fait l’honneur de nous inviter à manger chez lui à l’occasion de l’anniversaire de la mort de sa mère, un grand moment d’intimité. La Cité Impériale, la Rivière des Parfums, les mausolées des Nguyên… tant d’images que nous emportons de ce Centre si riche en histoire mais si pauvre à cause du climat ingrat qui fait dire à la chanteuse :

Mon pays est très pauvre,
L’hiver nous manquons de vêtements pour nous couvrir
Et l’été de riz pour manger…

Mais ce Centre ViêtNam laissera en nous, et pour toujours, l’image de jeunes filles romantiques au teint blême et au chapeau conique brodé. Leur charme indescriptible et inaccessible cache une grande beauté intérieure. C’est aussi le berceau de mes ancêtres et en quittant le pavillon des urnes dynastiques, j’essaie de marcher bien au milieu de ces allées pavées un peu surélevées pour l’empereur, histoire de mettre mes sandales dans la trace des grands : douce folie d’un soir d’été trop court. 

LE NORD 

En ce début d’Août, le soleil est resplendissant et baigne Huê d’une chaleur sans concession. Mon groupe courbe le dos et résiste vaillamment, surtout pendant les séances d’essayage de vêtements confectionnés en 24 heures par des tailleurs très doués. De ces efforts louables chacun est récompensé par de très beaux habits sur mesure pas très chers qu’il arborera fièrement à la rentrée. Avant de quitter la capitale des rois, n’oubliez pas de rendre visite au restaurant Huê, rue Vo thi Sau où nous avons passé des soirées mémorables dans une ambiance de folie à déguster une nourriture typique du Centre. Nous n’oublierons jamais ce soir où les clients ne pouvaient plus manger parce qu’ils partageaient notre joie de vivre trop communicative, sous l’œil impassible du sympathique maître des lieux qui veillait à tout, dans un français impeccable. Merci patron d’avoir toléré le vacarme et de continuer de servir une si bonne cuisine traditionnelle.

Huê laissera son empreinte comme la ville chargée d’histoire aussi bien passée que récente : nous avons tous en mémoire ces combats meurtriers dans l’enceinte même de la Cité impériale lors du Têt de 68, rappelés dans «  Full metal jacket  »  qui dévastèrent le quartier des concubines.

C’est pour moi difficile de quitter ces lieux où avait vécu mon père, mais Hanoi, ma ville natale s’impatiente ...

Nôi Bài nous accueille dans ses belles structures d’un aéroport moderne. Un autre minibus nous attend pour de nouvelles aventures ( et quelles aventures ! ) .

Le lac de l’Epée restituée est toujours aussi joli, entouré de ses arbres centenaires qui ont accompagné mes premiers pas vers le petit lycée Rolland ( annexe d’Albert  Sarraut, lieu symbolique de la culture française au Vietnam ).Un tour du lac nous plonge dans cette atmosphère particulière du Nord. Ici, les gens semblent plus réservés, certains diraient distants voire tristes. Dites-vous bien que les gens du Nord ne ressemblent pas aux autres et ceci est vrai dans tous les pays du monde. De plus, ils ont vécu une expérience de restriction et de pauvreté qui les a rendus plus placides et prudents. La population locale paraît aussi plus âgée et surtout concernée par le travail, moins souriante que celles que nous avons rencontrées au Sud et au Centre, en somme. Ceci peut surprendre de prime abord, mais je vous rassure tout de suite, mes gens du Nord portent au fond d’eux-mêmes le même soleil qui chauffe le coeur de tout Vietnamien.

Ce lac Hoàn Kiêm et le magnifique pont rouge qui mène à la pagode du Mont de Jade nous plaisent tellement que nous décidons d’installer nos quartiers d’été au Thuy Tiên, un restaurant très sympa tout au bord du lac où l’on sert d’excellentes pizzas et glaces... italiennes. Ah ! ces «  kem  » , qu’est-ce qu’elles ne nous font pas faire tous les jours. En effet, au bout de ces deux semaines de plats du pays, la nature reprend ses droits et quelques-uns reparlent de gratins, de côtes de bœuf, de fromages et de vins. Ce sont bien des «Tây » ! Je dois donc composer, non sans peine, car la faim fait perdre aux gens la notion de la finesse culinaire, et une bonne cuisse de poulet rôti et des frites valent bien trois «  nems  » !

Hanoi est propre mais il y a trop de circulation et notre «  Taxi 4  »  de chauffeur manque de peu d’écraser les motocyclistes par dizaines tous les jours. En revanche, le groupe s’habitue petit à petit à cette manière de conduire qui, pour ne pas provoquer d’accidents, est un modèle d’anticipation et de précision. D’ailleurs, je reste admiratif devant ces motos qui s’engouffrent dans le moindre espace vide dans un mouvement perpétuel très proche de l’élément liquide, fluide et doux. Et que dire de ces belles filles droites sur leurs montures d’acier, fières de leur grâce qui ne nous laissent pas insensibles ( n’est-ce pas, les mecs ? ).Les hommes, par contre, baissent un peu la tête, font le dos rond et n’ont pas ce port de reine. Pourquoi, je ne saurais vous le dire. Je citerais simplement un copain du groupe qui pense que la femme vietnamienne est sûre d’elle, sûre de ses prises de décision et sûre de sa beauté, totalement émancipée, pour tout dire. Allez vous faire une opinion sur place, vous me le direz au retour.

Le lac de l’Ouest et ses abords ont beaucoup changé avec de riches maisons individuelles et leur faste me replonge dans le bon vieux temps de la colonisation française qui avait utilisé ce lieu comme centre de loisirs réservé à une certaine élite. On venait les fins de semaines faire du pédalo et siroter un Dubonnet ou un Quinquina dans de grosses Buick noires.... Les pagodes et temples sont toujours là dressant leurs tours qui se reflètent dans les eaux calmes du Hô Tây. Pensez à rendre visite au grand restaurant sur les bords du lac pour goûter aux  « banh tôm » ( beignets de crevettes ), ils sont assez spéciaux.

Le vieux centre et ses 36 rues commerçantes écrasées de soleil nous attendent avec la rue des bijoux : la fièvre de l’or reprend avec d’interminables essayages et marchandages. Tout se passe si bien parce que ces boutiques font le change de nos  €  à des taux très avantageux. Un sentiment bizarre nous saisit : les vendeuses nous laissent tripoter tout un tas de bijoux sans aucune surveillance, presque sur le trottoir devant des badauds rassemblés. Chez nous, c’est tout un problème avant de pouvoir pénétrer dans un tel magasin, souvent protégé par un système de sécurité avec verrou électronique et porte blindée … Cette facilité d’approche encourage nos copines à se «  bijoutier  » à qui mieux- mieux, elles feront des jalouses à Lyon !

Le Temple de la Littérature va être le théâtre de notre première «  séquence frayeur » : on a perdu Doris ! Les mauvaises langues diront : « c’est encore elle, toujours à traîner derrière  », les autres dont je suis, partent dans tous les sens pour sauver la collègue allemande à l’accent et au vocabulaire si caractéristiques quand elle s’exprime en Français : elle est unique ! Son mari n’a pas l’air de s’affoler outre mesure, et dans un Français magistral nous dit : « Elle reviendra, ce n’est pas la première fois ni la dernière.  ». Je ne suis pas rassuré pour autant, mais tout ce beau monde se retrouvera deux heures plus tard à l’hôtel : le soldat Doris est rentré à pied toute seule comme une grande. Le soir même on doit aller au spectacle des marionnettes sur l’eau, après le passage obligatoire à notre «  cantine » toute proche.

Le lendemain, « séquence émotion  » à la campagne, chez ma chère sœur Ngoan, qui commence par une prière sur les tombes de mes ancêtres paternels en pleine rizière. La chaleur est torride et la sueur m’inonde tout le visage, (ou est-ce une coulée de larmes provoquée par ce moment de communion avec ce grand-père qui m’avait tout appris ? ). Un repas de fête nous attend et les petites serviettes fraîches ne sont pas de trop pour apaiser l’agression solaire. Une petite sieste s’en suit : Jojo ronfle déjà, suivi de près par Guy et Nathalie aussi. C’est ensuite le départ pour une partie de pêche miraculeuse dans un étang des environs qui se souviendra longtemps de nos cris de victoire.

La «  séquence aventure » commence avec la montée vers Sapa, la Dalat du Nord collée à la frontière chinoise. Dès le début, une tempête brouille tout le paysage cassant arbres et poteaux, une petite averse de mousson, quoi. Le soleil revient vite et dans la hâte d’aller voir les minorités ethniques, Thang casse une pièce de la boîte du levier de vitesse . Adieu belles Hmongs à marier et bonjour les soucis ! Sans trop s’affoler pourtant, notre jeune chauffeur plonge dans la boîte à outils, puis sous le minibus pour trouver une pièce de rechange et après trois coups de marteau, nous voilà repartis. Ouf !

Sapa déroule sous nos yeux ébahis son marché aux mille couleurs et ses petites femmes minuscules qui vous vendent un peu de tout : du bijou hmong à la viande de chien. C’est chatoyant et bousculant ; c’est beau aussi. Comme ces rizières en paliers d’un joli vert que dominent de magnifiques maisons sur pilotis à flanc de collines. Vous avez dit aventure ? Et bien, vous allez en avoir avec l’arrivée sur Bac Hà, que nous ne verrons jamais, à cause d’une pluie diluvienne qui vient d’arracher à la montagne une immense coulée de boue recouvrant l’étroite route bitumée et la rendant impraticable. Les camions sont bloqués, les motos patinent et notre bus semble rouler sur du verglas. La décision est prise : demi-tour. Mais comment ? L’angoisse commence à se lire sur les visages. Les uns demandent à descendre du bus pour trouver un peu d’oxygène, les autres se recroquevillent dans leurs sièges à la recherche de la prière la plus courte tandis que, impassible, le chauffeur entreprend une marche arrière que d’aucuns jugent pour le moins risquée avec le ravin sur la gauche et de la boue partout… Tout se passe pourtant bien ; grâce à Bouddha à moins que ce ne soit Confucius. Merci à eux deux et bravo à Thang qui réussit même à faire demi-tour un peu plus loin. L’aventure n’est pas pour autant terminée : où manger et dormir cette nuit ? Dans un petit village ethnique du nom de Phô Rang, sur des nattes en lattes de bambou dans des chambres d’hôtes balayées par des ventilateurs toute la nuit, sous des moustiquaires très romantiques … 

La Baie de Ha Long sera notre «  séquence détente » avec un bateau rien que pour nous et six heures de croisière entre ces célèbres pitons rocheux aux formes étranges. Les baignades au milieu de la baie à la recherche du dragon, les achats de colliers de perles, la visite de grottes calmes et la dégustation de crabes et crevettes arrosée d’un Bordeaux de 96 nous entraînent dans une tonifiante douceur de vivre … 

La «  séquence sport  » clôture le tout avec la montée vers le lieu le plus mythique du bouddhisme vietnamien : la Pagode des Parfums qui connaît une effervescence extraordinaire au mois de février lors du pèlerinage annuel des fidèles. Une heure de barque sur une rivière bordée de monts en forme d’éléphants qui tournent tous la tête vers la pagode en signe d’allégeance, et on attaque les escaliers qui mènent à la Grotte de l’Empreinte Parfumée : les aventuriers que nous sommes devenus au bout de ce mois au ViêtNam, franchissent ce palier allègrement. Mais il faut reconnaître que la descente est moins difficile, Nat et moi la faisons à fond pour tester nos jambes, pas mal du tout, n’est-ce pas, petite fille nourrie au beurre et au lait ?

Voilà que se termine ce périple qui nous a réunis et rapprochés. Les adieux sont empreints de tristesse et d’émotion et quelques larmes ont scellé notre amitié. Les images se bousculent dans les têtes et on ne rentre pas indemne d’une telle expérience.

Quant à moi, j’ai la conscience tranquille du devoir accompli et j’espère de tout cœur que le pari que j’ai pris de vous faire connaître et aimer mon pays vous a convaincus, aidé dans cette énorme entreprise par la beauté du ViêtNam et de son peuple. Merci à vous d’avoir su être à l’écoute dans la meilleure ambiance possible. Cela m’a donné le sentiment d’être utile, ce qui représente le plus beau cadeau qu’un guide peut recevoir, sans oublier ceux que vous m’avez remis un beau jour d’août 2004 au restaurant 69 en plein cœur de ma vieille ville : ils m’ont arraché des larmes, mais des larmes de joie.

Il y aura une prochaine fois et on montera tout là-haut à Bac Hà, je vous le promets… 

                                     Jean-Pierre Nghi (JJR – Promo 63)
                                      « Un enfant de retour aux sources »

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