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Association Fraternité Saigon - Cholon (Bác Aí) |
Bulletin N°9 Janvier 1993 |
Mes chers amis, 1992, "Anus horribilis", murmurait en contenant avec peine ses larmes, la Reine Elisabeth devant les téléspectateurs, faisant écho à un jugement similaire de Jacques Delors. Pour nous qui avons vécu l'année "Mâu Thân" 1968 au Vietnam, nous savons quel genre de grimaces peut réserver le Singe ... L'année qui finit "telle une pierre jetée au fond de la citerne des âges", n'aura fait que confirmer cette constatation, tant sur le plan national qu'international avec son cortège de catastrophes en tous genres sur fond de malaise et de morosité générale.Chaque fin d'année est l'occasion d'un bilan dont l'étude n'a un sens que s'il débouche sur une réflexion enrichissante pour l'avenir, s'appuyant sur un ou deux évènements en fournissant la matière. Lao Tseu, à qui un disciple demandait quelle était la plus grande de toutes les vertus, répondit : "La TOLERANCE de laquelle on ne peut séparer sa sur jumelle l'HUMILITE". Si cette idée pourrait s'enraciner dans le cur des hommes, cela changerait totalement les rapports de notre société partout dans le monde, et entre autres, en Ex-Yougoslavie, en Somalie et beaucoup plus proche de nous, en France. Je retiendrai pour premier thème de réflexion un petit évènement qui a de nouveau divisé notre pays et déchaîné les passions : le dépôt d'une gerbe présidentielle sur la tombe du Maréchal Pétain le Il novembre. Depuis 50 ans, les positions entre les hagiographes d'un côté et les tenants de la sentence de mort de la Haute Cour de l'autre, semblent rester irréductibles. Chacun a "sa vérité", oubliant que celle-ci n'est la plupart du temps, qu'un équilibre entre deux contradictions. Il faut tant de temps pour atténuer les passions qu'un demi-siècle n'y suffit pas encore. En novembre 1991, la presse nous infirmait que la Commission des historiens franco-allemands venait de se mettre d'accord et de conclure ses travaux sur les causes de la guerre de 1914. Voilà des hommes de Science et de Conscience qui auront mis 77 ans à établir L'HISTOIRE ... Alors! Tolérance Humilité ! pour juger de celle que nous avons vécu il y a un demi-siècle et que notre impartialité même rend partiale puisque chacun en fonction des milieux, des lieux, des moments, des situations, des circonstances et des tempéraments, voit en regardant la même médaille, l'un seulement de côté face, l'autre uniquement l'envers. La deuxième réflexion m'est inspirée par le mot qui restera probablement dans les manuels d'Histoire et qui inspirera certainement moralistes et philosophes "Responsable, mais pas coupable". Ayant été l'aîné d'une famille de 10 enfants. j'ai durant ma jeunesse, constamment entendu mes parents me répéter que l'aîné a des responsabilités particulières, théoriquement le plus mûr, il doit toujours être le modèle, l'exemple. Ses fautes sont automatiquement plus graves et plus lourdes que les mêmes chez ses frères et surs plus jeunes, puisqu'il "comprend" et qu'il "montre". Le jour de mon bac philo, il s'est trouvé que celui des trois sujets proposés que j'ai choisi, portait sur la Responsabilité ; je me souviens encore des grands axes de mon plan : la Responsabilité en face de Dieu, devant lequel on ne peut "tricher", vis-à-vis de la société puisque nous sommes à la fois responsables devant "elle" et "d'elle" et enfin devant sa conscience critiquant l'affirmation de l'Oedipe de Sophocle "mes arts, je les ai subis et non commis". Tout cela a ensuite marqué ma vie d'adulte et mon comportement aux postes de responsabilités que j'ai eu par la suite à estimer et m'a permis en plus d'acquérir l'expérience des autres responsables que j'ai eu à côtoyer à côté ou au-dessus de moi. J'en suis arrivé à la conclusion que le socle indispensable de l'Education est l'initiation à la responsabilité et à la prise de conscience dès le plus jeune âge de nos "Devoirs". J'ai eu la chance à FRATERNITE de pouvoir, en 15 ans, constituer une équipe dont l'ensemble avait compris que pour que cela marche, il est nécessaire de mettre l'accent sur la contribution de chacun avant de soulever des revendications individuelles ou collectives. Pour Confucius d'ailleurs, l'homme n'acquiert des droits que lorsqu'il a d'abord accompli ses devoirs. La Révolution française qui au départ avait voulu codifier "les Devoirs et les droits du Citoyen", en voulant réduire et résumer sa Déclaration, en est arrivée à une imputation dont nous payons aujourd'hui moralement "la soustraction". Désormais la litanie des droits, commencée au Moyen Age par le cuissage s'est enrichie de ceux de proche, de chasse, de suite et de poursuite, de grève, d'ingérence... et j'en passe des meilleurs, pour se noyer dans l'océan des "droits acquis". Parler de "Devoirs" aujourd'hui est considéré comme rétrograde, offensant et en tous cas ressenti comme une atteinte à la liberté.. on n'ose même pas les évoquer. Voici quelques réflexions que "feue 1992" m'a incité à vous livrer. Puisse leur méditation nous aider à toujours rechercher la vérité et à la défendre, surtout pour nos enfants si facilement sensibles à la déformation de notre histoire telle que la propose certains manuels et quelques enseignants. Quant à la Responsabilité, essayons d'assumer chacun la part qui nous est assignée avec jugement, droiture, courage même et surtout lorsque c'est difficile, avec l'esprit d'initiative qui implique souvent de prendre des risques et "d'oser". Comme le disait le philosophe Sénèque à son mauvais élève Néron, dont il était le percepteur : "Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles". Et si notre position implique de déléguer et de partager nos responsabilités, attention à notre choix et ne jamais oublier que ce n'est pas en donnant un chapeau à un cardinal qu'on lui donne une tête, ce sur quoi devraient méditer beaucoup de nos responsables politiques. Chers Fraterniens, à l'aube de 1993, je souhaite que ces quelques idées que je sème, germent avant que le Coq ne les picore... que CHANTECLER vous apporte à tous, à vos familles et à vos amis, les meilleurs vux que leur adresse tout le Conseil d'Administration, ainsi que mes plus affectueuses pensées. Le Président Michel BRUN |