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Mes Chers Amis,
Comme chaque année nous nous retrouvons pour regarder séloigner un des
douze animaux du calendrier chinois et fêter larrivée du suivant. Ainsi
nous disons « Adieu - ou plutôt « au revoir » à la Chèvre pour saluer la
venue du Singe. Le passage des 12 mois écoulés au nouveau cycle des 12 mois
est toujours par tradition loccasion dun bilan sur le proche passé et de
souhaits, voire de prophéties pour lavenir. Si je relis les éditoriaux des
années écoulées, le bilan pourrait être presque recopié avec juste quelques
variantes, mais un fond qui ne change guère ; la canicule qui a accéléré la
disparition de personnes âgées, puis la guerre dIrak, la deuxième en 10
ans ; mais quel statisticien nous dira combien dannées la planète fut sans
aucune guerre durant les mille dernières écoulées. Pour ce qui concerne
larrivée du Singe, tous ceux qui furent au Vietnam en 1968 se souviennent
du Mau Than. Encore ne faut-il pas tirer des conclusions prophétiques
pessimistes car le Singe ne fait pas que des grimaces. Je me garderai
dailleurs de le rendre responsable, de la sécheresse, des inondations, de
la vache folle, de la légionellose et de toutes nos pauvres misères qui ne
deviennent vraiment catastrophiques que « grâce » à nos médias dans
lesquelles elles occupent le meilleur « créneau ». Ouvrez votre poste vous
apprenez le décès de la 50ème victime de la légionellose et toute
la journée vous allez lentendre répéter à la télévision et à la radio.
Etonnez vous en vous promenant dans votre cuisine et votre salle de bain, de
vous sentir mal à laise en regardant les tuyaux qui risquent de véhiculer
ce germe hideux qui va vous envoyer à lhôpital, voire au cimetière.
Pendant des siècles lhomme a redouté la peste, le choléra, la lèpre dont
peu mouraient dailleurs sauf épidémie soudaine et catastrophique.
Aujourdhui grâce à la médecine préventive, on vit plus vieux certes sans
savoir si cest un plus ou un moins puisque nous ne pourrons comparer la
qualité de cette vie que lorsque nous aurons goûté à lautre
Mais surtout
nous vivons dans la crainte plus ou moins consciente dêtre atteints par
tous ces microbes, virus, germes divers que la science ne cesse de découvrir
et dont elle finit par meubler notre cerveau. En se perfectionnant la
médecine avec ses examens, ses analyses, sa diététique a créé une obsession
qui frise la psychose et touche même les biens portants. Combien étaient
heureux Mathusalem, Noé, Abraham et tous nos prédécesseurs de navoir jamais
à se poser la question du taux de leur cholestérol. Aujourdhui cette
interrogation permanente sur notre santé glisse doucement vers la recherche
de la maladie que lon croit avoir ou que lon va sûrement contracter. On
sinterroge sur les grands noms de la médecine, on consulte dabord son
généraliste, dans lequel on a dailleurs « pas tout à fait confiance », pour
passer chez un spécialiste. Il faut 2 mois pour obtenir un rendez-vous ; en
8 semaines, le mal saggrave dans
votre tête, et le choc est dautant plus
dur à supporter quau jour tant attendu le praticien vous déclare que vous
navez rien
La conclusion est quil est nul !!!!
On en cherche un
autre !!! Si lon est retraité et que lon a donc «théoriquement » tout son
temps, cela devient une occupation. Avez-vous une amie de votre âge (ou
plutôt « du mien ») qui vous rend visite, à peine assise, elle vous demande
de compatir à ses problèmes de chevilles et lentement en 30 minutes, on
passe de chevilles aux genoux, aux cuisses et quand on aborde le bassin,
votre hôtesse devient intarissable : les hanches, la sciatique, le lumbago,
le foie, les reins, puis après une irruption dans lestomac et les poumons,
une escapade dans le cur et les artères, nous arrivons après trois quarts
dheures à la tête ; avec de la chance en un quart dheure la gorge, les
oreilles, les yeux et le nez sont expédiés. Lorsquen fin elle se lève pour
prendre congé, dans un grand soupir - prolongé par le vôtre vous ne
pouvez quitter votre chaise, vous vous tâtez depuis les mollets jusquà la
tête pour essayer de préciser ce qui fonctionne encore chez vous. Estimez
vous heureux sil sagit dune femme, car vous avez échappé à la conférence
sur la prostate ; si cest un ami homme, vous ny coupez pas.
Ces constatations « vécues » nous amènent avec la plus grande logique au
« trou » de la sécurité sociale, car tout senchaîne, plus on est malade
plus on absorbe de médicaments. Absorber est dailleurs tout à fait
impropre, car le médecin vous ayant prescrit un traitement de 3 semaines
vous fait acheter 4 bouteilles de sirop («entre autres ») ; vous allez en
consommer une qui calmera votre toux et vous permettra de conserver dans
votre armoire à pharmacie les 3 restantes. Deux ans après, constatant
quelles sont périmées, vous les jetez. Qui pense au coût ? Personne,
puisque cest remboursé. Qui va se soucier doù vient largent ? Nest-ce
pas la fameuse et généreuse sécurité sociale, cest-à-dire lEtat. Mais
voilà ! nous ne sommes plus sous Louis XIV (souvenez-vous : « lEtat cest
moi »). Depuis notre chère révolution le « peuple souverain » nest-il pas
devenu lEtat ? Or qui est le peuple souverain, sinon nous, tout le monde ?
Aussi, devant les charges multiples qui pèsent sur la nation et pas
seulement la sécurité sociale il est totalement illogique à la
question « Qui va payer ? » de répondre « lEtat ». Essayons dêtre aussi
franc que les députés britanniques qui nhésitent pas à préciser dans les
lois créant des taxes ou des impôts « non pas à la charge de lEtat » mais
du « taxpayer » en un mot totalement banni de nos textes officiels du
contribuable. Lorsque nous aurons pris conscience de ce fait, beaucoup de
choses pourront commencer à changer dans notre tête dabord et tout
doucement dans nos actes et nos comportements.
Bien sûr, vous allez me reprocher dexagérer et me prouver que mes trois
bouteilles de sirop ne font quun tout petit trou dans la caisse ! mais il
ny a pas que notre part à nous patients il y a ladministration , cette
catastrophe naturelle, qui fait souvent plus de dégâts que la canicule :
création dans les hôpitaux dun comité de pilotage, accompagné dun groupe
« projets », aidé par divers groupes de travail chargés de coordonner les
« conseils de services », les « groupes dexpression » le tout aboutissant
au conseil dadministration avant de transiter par lagence régionale
dhospitalisation pour aboutir au ministère. Cela pour la voie montante, car
après il y a la voix descendante du ministère ! Toutes ces réunions
impliquant un grand nombre de personnels nécessitent au total, non des
centaines, mais des milliers dheures de travail incluses dans les fameuses
35 heures, lesquelles ont déjà déclenché une telle pénurie que lon envisage
de faire venir 45 000 infirmières importées dEspagne ! car on na pas
encore trouvé le moyen den fabriquer chez Moulinex. En attendant il faut
trouver largent. Si lon vous demande qui va payer, vous direz comme
moi : « les autres ». Malheureusement lEtat qui na pas doreilles et se
moque dailleurs éperdument de votre réponse même en démocratie va vous
adresser la facture. A partir de ce moment vous commencez à vous intéresser
à la question et découvrez, grâce au rapport de la Cour des Comptes, quil
existe des disparités de dépenses allant parfois jusquà 50% entre les
hôpitaux. Le simple bon sens suggère quil y a peut-être là , en cherchant
bien , la clé de la solution au problème ou en tout cas lune des clés. Mis
en appétit par votre découverte, vous pensez quil y a peut-être aussi une
clé pour les autres « trous » ; je ne veux pas vous faire croire que la
France est un gruyère bien quelle soit pour un certain nombre un fromage !
Je ne parlerai pas de notre ministère des finances dont le personnel est
plus nombreux que celui du même ministère aux USA (5 fois plus peuplé que la
France) ; je ne ferai quévoquer notre ministère de lagriculture qui, il y
a 30 ans, disposait de 30 000 fonctionnaires pour 3 millions dagriculteurs
et aujourdhui de 40 000 pour moins d1 million de rescapés de
lagriculture. Quant au ministère des anciens combattants il occupe 6 500
fonctionnaires pour 400 000 anciens combattants en cours dextinction lente
mais certaine. Jarrive alors au ministère de léducation nationale que
jaime puisquil ma nourri de nombreuses années et me permet de survivre
dans ma retraite. Aussi étonnant que cela puisse paraître, depuis des années
il reste impossible de connaître le chiffre précis de fonctionnaires de ce
ministère ; à lère de linformatique, on en reste à des approximations.
Depuis 1997 le nombre des élèves a baissé de 150 000 alors que le personnel
a subi une hausse de 132 700. Le refrain de toutes les manifestations et le
but des grèves nest-il pas « plus denseignants, plus de crédits » avec en
sous-entendu « moins délèves et moins dheures de travail ». Certes il
sagit dune petite minorité dans laquelle la majorité des enseignants ne se
retrouve pas, mais cette minorité braillarde est hélas la seule quexhibent
les médias. Cependant, de même que lon reconnaît les qualités dun arbre
aux fruits quil produit, on est obligé de constater quil ne suffit pas de
prescrire
aux jurys dexamen de recevoir 80% des élèves au baccalauréat pour donner à
ce bac les qualités quon en attend normalement. Pourquoi sétonner si lors
dun concours dagrégation de lettres modernes un candidat fait 15 fautes
dorthographe, si en 2ème année de licence de lettres, les
étudiants nont jamais entendu parler de Du Bellay, ce dernier étant devenu
depuis 1968 un fossile de la littérature française, remplacé dans beaucoup
de nos facultés par Marx, Lénine et Mao Tse Tung pour les connaissances
fondamentales et par Nathalie Sarraute, Boris Vian et Marguerite Duras
puisque cest avec eux quenfin commence notre littérature et les grands
écrivains. Tous les responsables de léducation nationale connaissent cela
mais le « dogme » reste, à savoir, que tout le monde doit suivre les cours,
quil faut donc égaliser et aligner tout ce monde ; à force de vouloir
aligner, cet alignement se fait sur les plus nuls. Les résultats sont
catastrophiques mais le « dogme » est sauf.
Vous allez me dire que je ne suis ni politiquement ni intellectuellement
correct. Je devrai suivre aveuglément ce que les médias essaient de me
persuader sur ce que je dois penser et croire. Mais il se trouve que tout
cela me rappelle trop lépoque durant laquelle le grand Adolf mavait payé
des vacances dans un camp à 50 km de Danzig en un temps et dans un pays où
il n existait quun Führer et le Parti. Mais nétait-ce pas la mode à
lépoque puisque chez le brave oncle Staline il ny avait aussi que le Parti
le même que de lautre côté - mais pas avec la même sauce. Il y avait la
« pensée profonde » du génial Lénine père spirituel du tonton Ho puis du
Grand Timonier
Je sais et je le ressens souvent, jai limpression dun
hérétique lorsque je me rends compte que je ne pense pas comme la télé exige
que je le fasse si je veux avoir une pensée « correcte » et être « comme
tout le monde ». Je me console en réalisant quil y a au moins un avantage
aujourdhui cest que si lon est montré du doigt, tourné en dérision quand
on ne pense pas comme il faut, au moins nous ne risquons plus (« ou pas
encore ») dêtre brûlé sur un bûcher, sinon il y a longtemps que mes cendres
auraient été dispersées dans un coin de lHexagone.
Notre société ne nous laisse plus que la liberté dacheter et de vendre.
Matraqué par des sons et des images qui nous retirent la possibilité de
penser afin de pouvoir nous imposer ce que lon veut que nous pensions,
étourdis, nous en arrivons, si nous ne réagissons pas, à vivre à la surface
de nous-mêmes, à marcher à côté de nous-mêmes et finalement à nous fuir.
Mais en se fuyant on se perd ; aussi nest-il pas inutile de se retrouver
dans le calme, le silence et la solitude pour méditer sur la plus belle des
devises que les Grecs avaient fait graver sur le temple de Delphes :
« Connais-toi, toi-même »
Parti à la conquête de lespace lhomme est arrivé sur la Lune ; maintenant
il sapprête à débarquer sur Mars, puis après ce sera les milliers de
planètes, détoiles, à des millions dannées lumière. Ces recherches auront
englouti des milliards de dollars et autres monnaies qui suffiraient à
éteindre la misère sur la terre. Quand lhomme comprendra-t-il que son
orgueil ne le mène ni vers le bonheur ni vers la richesse ni vers le pouvoir
mais vers un Infini dont il fait partie et dont le gène se trouve en lui, à
condition de le chercher pour le découvrir.
Voilà chers amis, comme jaime le faire avec la famille dont vous faites
tous partie un bavardage qui nest pas conçu comme un morceau de littérature
mais lépanchement du cur débordant daffection dun grand-père de 80 ans.
A laube de cette nouvelle année je vous redis à tous combien vous me restez
proche et que 2004 apporte santé, prospérité et bonheur pour vous et vos
familles.
Le Président
Michel BRUN |