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Association Fraternité Saigon - Cholon (Bác Aí) |
Bulletin N°14 Octobre 1995 |
Mes chers amis, Ce numéro 14 va vous annoncer notre habituelle réunion de fin d'année. J'espère que nous nous retrouverons nombreux dans la joie et la fraternité à cette occasion. En attendant, comme dans chaque bulletin, j'essaie de trouver un sujet de réflexion d'actualité. Je ne sais si l'exercice de la profession d'éditorialiste du quotidien est plus aisé, mais celui de l'occasionnel que je suis ne l'est pas, tant la masse des thèmes possibles risque de me mettre dans la position de l'âne de Buridan, mort de faim et de soif entre un seau d'avoine et une auge d'eau, faute d'avoir pu se décider entre les priorités de l'un ou de l'autre. Si je ne veux pas subir le même sort, il me faut donc trier entre les anniversaires, les événements mondiaux ou nationaux, politiques, économiques, sociaux, les faits et gestes de nos hommes politiques, les grands discours et les petites phrases. Il me faut m'efforcer dans ce choix de ne retenir que ce qui aboutit à une réflexion enrichissante pour notre propre perfectionnement et l'amélioration de la société dans laquelle nous vivons.La grande commémoration de l'année a été celle du cinquantième anniversaire de la fin de la dernière guerre mondiale. Pour la plupart d'entre vous, ce n'est qu'une page d'Histoire ; pour les plus anciens, une tranche de vie. Un tel flot d'encre ayant coulé à cette occasion, je ne m'attarderai que sur un aspect trop souvent laissé dans l'ombre et pourtant essentiel, les causes et origines de cette tuerie mondiale. En 1935 - c'est loin j'avais, à 12 ans, été très fortement impressionné par les hurlements d'une masse de manifestants pacifistes, défilant dans la rue sous les fenêtres de notre maison. Il s'agissait de dire non, aux crédits militaires" - "pas d'argent pour les avions de guerre, pas de crédits pour les tanks meurtriers" - "moins de militaires, plus de salaire". De nation "pacifique", la France devenait "pacifiste" dans un environnement de dictatures belliqueuses. Or, si les moutons n'ont plus de berger ni de chien, le loup ne reste pas loin. Hitler nous le démontra, en réoccupant la Rhénanie sans que nous réagissions autrement que par des paroles, annexant l'Autriche, liquidant la Tchécoslovaquie, attaquant la Pologne, puis nous infligeant en quelques semaines la honte d'un désastre dont les vrais coupables se gardèrent bien d'endosser la responsabilité. Parallèlement à cette impréparation militaire, nous assistions alors à un désarmement moral. La chanson à la mode était " Amusons-nous, fichons-tous de tout, la vie passera comme un rêve...... Du rêve au cauchemar, il n'y a qu'une différence de contenu... Ce cauchemar dura cinq ans. Son bouquet final apporta à Hiroshima et Nagasaki 300 000 morts, une goutte de sang parmi les dizaines de millions de ces cinq années - horrible comptabilité ! -, mais une goutte de sang qui, vraisemblablement, permit d'épargner quelques millions qui eurent encore été sacrifiés par la poursuite de la guerre avec le Japon macabre et cruelle arithmétique !. Alors, commémorons cette victoire, oui ! , mais à condition que la joie de cette commémoration, mêlée au goût âcre du sang et à l'odeur des ruines fumantes de milliers de villes et villages, n'occulte pas les réalités du monde dans lequel nous vivons, les responsabilités avec ses différents degrés selon les niveaux, et ne nous empêche pas de réfléchir sur les erreurs passées pour ne pas les renouveler. Je sais que "l'expérience est un peigne pour les chauves" selon les Chinois. Mais les réalités sont que depuis la fin de LA guerre mondiale, "les" guerres n'ont cessé de se multiplier un peu partout. De véritables "fous" sont à la tête d'états qui - pour l'instant - n'ont pas la capacité de nous nuire, mais seulement le désir, voire la volonté, sans les moyens. Très rapidement, ces moyens peuvent leur venir entre les mains ; déjà le déséquilibre des natalités, la violence et l'extrémisme des idéologies, la force de nuisance supérieure des dictatures sur les démocraties, pour la création, l'entretien, le développement de la Haine, alimentée par la jalousie de se voir pauvre, mal nourri, devant un monde où beaucoup se gavent, tous ces éléments imposent une réflexion. D'autre part, n'oublions pas que dans les derniers jours, avant sa fin, Hitler ordonnait la destruction systématique du pays resté encore entre ses mains et souhaitait que les Allemands disparaissent avec lui. L'exemple pourrait très bien être suivi. Aussi avant de se lancer dans une campagne virulente contre la France - même à l'intérieur de celle-ci -, à l'occasion de la reprise d'une brève série d'essais nucléaires pour acquérir la possibilité de s'en dispenser par la suite en les réalisant en laboratoire, les moutons bêlants devraient se souvenir que l'on ne découvre les loups que lorsqu'ils sont déjà en train de décimer le troupeau. Jeter deux millions de dollars (prix de la campagne Greenpeace) pour attiser les haines, alors que des millions d'êtres humains meurent de faim, me semble une aberration. Mais je sais que malgré les progrès de la médecine, on n'a pas encore trouvé de vaccin contre la sottise, qui est aussi difficile à guérir qu'à prévenir. Laissons à ceux que nous avons élus et qui ont à leur disposition les éléments d'appréciation auxquels nous n'avons pas accès, le soin et la responsabilité de leurs décisions. Mais encore plus grave que ce parallèle entre 1935 et notre époque, -sur le plan de la défense nationale, est celui entre le désarmement moral des années 30 et la désintégration d'aujourd'hui, tant dans les idées que dans les paroles et les actes. Je sais que "l'amoralisme" n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Nietsche, constructeur du "surhomme" fut le père spirituel d'Hitler et en germe un des maîtres de la violence telle qu'elle se développe de nos jours. Freud, présenté comme un génie de notre siècle, a en réalité préparé l'accession du "Sexe" au rang de troisième personne de la nouvelle Trinité, aux côtés du Pouvoir et de l'Argent. Pour compléter le trio, Marx. A l'origine de la lutte des classes, par la Haine et pour leur disparition, ses nouveaux dogmes aboutissent au démantèlement des structures d'autorité, de hiérarchie et à la suppression des élites. Nous récoltons les fruits des graines semées par le trio. VIOLENCE - Quittons le degré général des guerres et révolutions et descendons au niveau individuel. Restons dans notre pays et notre année. A l'annonce du décès d'un policier tué dans l'exercice de ses fonctions, un commentateur de radio répétera à plusieurs reprises dans les différentes émissions de la journée "c'est plutôt une bonne nouvelle". Un terroriste est tué, alors qu'il venait d'ouvrir le feu sur les forces de l'ordre, une autre radio parle de "l'assassinat" de Kelkal, et l'épouse du précédent Président de la République prend publiquement sa défense. Déjà lors de la prise d'otages des enfants de l'école maternelle de Neuilly, une chaîne de télévision avait parlé du "meurtre" de HB. Le disque "La Haine" vendu à plus de 80 000 exemplaires en trois mois, nous hurle "je dois sacrifier un poulet... Pas de paix sans que le poulet repose en paix, est-ce que tu le sais? ... Ce soir, j'ai la santé, je dois sacrifier un poulet". Et ce disque de Trust, dont le titre est tout un programme " appuies sur la gâchette"... SEXE - Lors d'une grande émission sur le Sida, l'abbé Pierre s'attira les huées de la masse des participants lorsqu'il dit "le meilleur préservatif contre le sida, c'est encore la fidélité". Dans un grand quotidien récent, je lis à propos de la défense des droits individuels en Afrique du Sud "... à la recherche d'une morale qui ne mette plus l'accent sur la défense des valeurs Morales et religieuses, mais la liberté de l'individu... ". Et plus loin "les censeurs existent encore... La ' police a saisi récemment toute une série de disquettes clandestines destinées aux pédophiles". Que dire enfin de ces jeux de rôle programmés en vidéo et vendus librement, où l'on apprend à devenir un héros, du meurtre, du viol, du sadisme, avec un luxe de détails dépassant l'imagination normale. NIVELLEMENT - Nous venons d'assister pour cette rentrée scolaire, dans une université de l'Ouest, au tirage au sort des admis; la sélection par concours d'entrée étant interdite et le nombre de places disponibles inférieur à celui des candidats, ce fut paraît-il, la solution la plus équitable. Pourquoi ne pas généraliser et tirer au sort nos maires, nos députés et le Président de la République ? Déjà à Fraternité, un inspecteur m'avait reproché de faire des classes de niveau dans lesquelles je dosais les horaires selon les faiblesses, afin d'essayer, avec d'ailleurs une bonne dose de succès, le rééquilibrage. C'était paraît-il, "totalement anti-démocratique". Il m'avait même interdit les fameux "examens de niveau" que nous faisions régulièrement et qui ont sauvé beaucoup d'élèves qui n'auraient pu autrement arriver au terme de leur scolarité. Le développement et l'accélération de cette décadence morale ont eu pour cause importante, la montée en puissance, dans les années 30, de la T.S., qui devait devenir la Radio. L'explosion vint lorsque la télévision, après des débuts plutôt bons, et souvent d'excellents présentateurs et commentateurs, se mit à courir après l'Audimat et les rentrées publicitaires, et devint un "Produit". Les dérives commencèrent alors. Maintenant, ce n'est plus une dérive, c'est un débordement. La vulgarité introduite insidieusement tant dans les personnes que dans les contenus, est descendue progressivement à la grossièreté ; du scabreux à l'obscénité, la pente est savonneuse. Loin de moi la pensée de remettre tout en noir ; je ne suis pas victorien et admets très bien des plaisanteries, voire des "gauloiseries", une histoire leste, mais il est des moments et des publics pour cela et il existe des degrés et des frontières qu'indépendamment de la morale, le bon sens et l'éducation ne doivent pas franchir. Nous, Fraterniens, avons la chance, grâce à notre formation, de pouvoir baigner à la fois dans l'Humanisme fait de la culture gréco-latine, imprégnée et purifiée par le christianisme et mêlée aux valeurs confucéennes et bouddhiques qui, sur les points essentiels de l'éthique, de la morale et de la dignité de l'homme, vont dans le même sens et se complètent beaucoup plus qu'elles ne s'opposent. Ce n'est pas aujourd'hui que je tirerai les conclusions de cet éditorial. Il faut en effet beaucoup plus de temps pour réparer les dégâts que pour les constater. Il faut dégager les priorités, trouver les moyens et les mettre en uvre, en sachant bien qu'il faudra du temps, beaucoup de temps et l'effort de tous pour remonter la pente. Dès maintenant, chacun doit apporter sa pierre. Rappelons-nous le mot de Lyautey qui, ayant ordonné de planter des arbres dans la partie marocaine du Sahara, et venant en inspection un an après, reproche à un colonel de n'avoir encore rien planté. A la réponse du colonel "Mon général, il faudra cent ans pour que ça pousse! ! ", Lyautey rétorque "raison de plus, pour commencer tout de suite". Voilà, mes chers amis, quelques réflexions confiées à votre lecture. Nous en reparlerons à notre réunion Dans cette attente, je vous redis à tous, ma fidèle et paternelle affection. Le Président Michel BRUN |